HISTORIQUE L’histoire de Fère en Tardenois et de son château a été relatée en détail par Etienne Moreau-Nélaton (1859-1927), historien et collectionneur, dans son "Histoire de Fère en Tardenois" publiée en trois volumes en 1911 (rééditée au début de ce siècle sous forme de fac-similé). Cette histoire débute au Mésolithique, il y a près de 10.000 ans, puisqu'on a retrouvé dans divers sites des environs de nombreux éléments d'une industrie microlithique sur silex qui a reçu le nom de Tardenoisien. La région a sans doute été habitée sans discontinuer par la suite, puisque Frédéric Moreau, grand-oncle d'Etienne Moreau-Nélaton, et d'autres archéologues, y mirent au jour de nombreuses sépultures gauloises, gallo-romaines et mérovingiennes. Une seigneurie et une forteresse ont exister à Fère au cours du Moyen-Age, mais nous n'en connaissons presque rien. Au début du XIIIème, Robert II de Dreux , neveu du Roi Louis VII, y construit, avec l'accord du comte de Champage, une forteresse que le comte se garde néanmoins la possibilité d’utiliser pour lui-même. Bâtie sur une butte empierrée, elle comprend 7 tours reliées entre elles , et entourées d’un chemin de ronde pourvu de petites tourelles d’angle. L’ensemble est complètement ceint d’un profond fossé (n’ayant évidemment jamais contenu d’eau !) qu’un pont-levis devait nécessairement franchir, mais dont rien n’a été conservé. La base des tours forme une série d'étranges redans, à la fonction encore mystérieuse. Un grand parc giboyeux , d’environ 500 ha, entoure le château. Entièrement ceint de murs (qui subsistent en partie de nos jours, et marquent les limites de la commune de Fère au N-E), il constituait sans doute l’un des principaux attraits du domaine pour la noblesse éprise de chasses. En 1527, le duc Anne de Montmorency (1493-1567), fils du baron Guillaume de Montmorency et ami d’enfance de François 1 er , épouse Madeleine de Savoie et reçoit en 1528, du roi et de sa mère Louise de Savoie, le château-fort alors à l’abandon. Anne de Montmorency ne tarde pas à devenir le second personnage du royaume. Principal artisan de ses victoires militaires et fidèle compagnon des campagnes du roi, il partage aussi ses déconvenues. Nommé maréchal de France en 1522, puis Connétable en 1538 (la plus haute distinction du royaume), il tombe pourtant en disgrâce à partir de 1541, suite à ses désaccords avec le roi, et surtout avec la favorite de celui-ci. Il ne revient à la cour qu'avec l'avènement d'Henri II en 1547, mais sa puissance pâtit de sa rivalité avec les Guise. Il sert encore François II, puis Charles IX, et succombe sur le champ de bataille à Saint-Denis, à 74 ans. Héritant de son riche père en 1531, il sait rénover et transformer le château féodal. L’architecte de ces transformations est probablement Jean Goujon, un des grands sculpteurs et architectes de la Renaissance française, qui marqua de son empreinte le palais du Louvre. Il réussit à mener à bien ce vaste chantier en quelques années, puisqu’il est achevé en 1539. Il aura fallu tenter de rendre plus agréables ces tours massives et sombres, aux murs épais, aux ouvertures extérieures étroites, aux multiples escaliers et cheminées. Nul doute que le chantier ait alors fourni du travail à de nombreux ouvriers, artistes et artisans. Entre-temps, le château aura reçu deux fois la visite du roi, en 1535 et 1537. La transformation partielle d'une forteresse du XIIIème en une habitation destinée à recevoir le connétable et sa suite, et même le roi ainsi qu'une partie de sa cour, n'a pas être une mince affaire. Les pièces exigües, les nombreux escaliers et couloirs ne se prêtaient guère au logement et à la vie festive qu'affectionnait cette aristocratie. Malgré la construction du pont-galerie, il est probable que ces défauts ont restreint les périodes d'occupation du château, au bénéfice de demeures construites de novo au début de la Renaissance, comme Chantilly ou Ecouen. Choisissant probablement pour architecte le prestigieux Jean Bullant qui avait déjà eu l'occasion d'exercer ses talents pour lui, en particulier en faisant construire le château d'Ecouen, Anne de Montmorency adjoint ensuiteau château féodal une galerie édifiée sur de hauts piliers formant de vastes arches, qui le relie au domaine environnant. On peut penser que son rôle essentiel était de permettre de réunir, dans un cadre bien plus dégagé et lumineux que le château-fort lui-même, l’entourage du connétable. A son extrémité, la galerie se termine en un pavillon dont la façade rappelle celle du châtelet de Chantilly à Jean Bullant, et doit sans doute lui être attribuée, bien qu'elle soit traditionnellement nommée 'porte Jean Goujon' . La galerie ne sera terminée que vers 1560, mais il est probable qu’elle avait alors déjà hébergé bien des fêtes et cérémonies, auxquelles le roi Henri II et la haute noblesse ont parfois participé. Après la mort de Montmorency en 1567, le château perd de son importance, et se dégrade progressivement. En 1779, son propriétaire Louis-Philippe d’Orléans (futur Philippe-Egalité) vend les éléments réutilisables, prélude à la dislocation des murs peu avant la Révolution. Pendant celle-ci, un arrêté du maire (1792) décidera la destruction des armoiries (en particulier porte Jean Goujon, et sur les piliers de la galerie), et dès 1793 le château se retrouve à peu près dans son état actuel. Aujourd'hui, le pont-galerie est la partie la mieux conservée; subsistent également des restes des tours, mais presque rien des salles et courtines qui les reliaient. Le château comporte donc deux parties : - la forteresse du XIII ème avec ses 7 tours. En partant de la gauche de l'entrée, les tours sont la Tour du Fournil, de la Vis des Cuisines (vis signifiant escalier serré, plus ou moins en colimaçon), de l'Horloge, du Bout des Salles, de la Prison, de la Chapelle, et des Garde-Robes. - le pont-galerie Renaissance, orienté ENE-WSW, mais que par commodité nous supposerons orienté E-W. Au-dessus de ses cinq arches, il comporte une galerie inférieure servant d'accès au château primitif, et une galerie supérieure mentionnée plus haut. On a parfois supposé que ces galeries se raccordaient directement au château, mais il n'existe aucune trace d'un tel passage et j'ai au contraire supposé l'existence d'un escalier latéral descendant de la galerie supérieure sur le chemin de ronde.