1 La voûte d'entrée ou vestibule présente l’aspect d’un corps de garde. On n’y rencontre que des armes: cinquante piques ferrées, treize hallebardes, vingt-et-une arquebuses et deux "haquebuttes à crocq" placées dons des râteliers à droite et à gauche. 2 Au sortir de cette antichambre, nous sommes invités à nous engager dans une "chambre basse (c'est-à-dire au rez-de- chaussée) estant près de ladite porte" (2) 3 puis dans la "garde-robe de la dite chambre (3)". En la seconde de ces pièces se trouve "ung grand coffre de boys de chesne fermant à clef, auquel y a deux entre deux et ung chetron". C'est ce coffre qui contient les registres, papiers et titres divers confiés à la garde du capitaine, et dont l’inventaire fera état. 4 et dans un cabinet estant près de la "dite chambre"(4) 5 Laissant à gauche la descente des caves (5), 6 Ensuite, il faut revenir en arrière et monter au premier étage, par l'escalier intime (6). De là, on nous ramène aux appartements privés, pour nous faire monter, par le petit escalier (6) 7 on visite, toujours au rez-de-chaussée, une "sallette", ou petite salle à manger (7), avec trois tables et un buffet, 8 attenant à la "sommellerie" (8), qui est garnie de force pots et "choppines" d'étain, et d'où une sorte de gargouille conduit les eaux usées à l'extérieur. 9 par une entrée qui est celle des appartements d’apparat, dans une première chambre, à droite (9), 10 accompagnée de sa garde-robe (10), contenant, à elles deux, trois lits ou couchettes 11 puis, à gauche du départ de l'escalier (11) 12 dans la grande salle à manger (12), où se trouvent "deux grandes tables garnyes de six tréteaulx, quatre bancs et ung buffect à troys fonds". 13 pour inventorier "la première chambre estant sur la porte du chasteau" (13). Bien que non avertis, nous sommes, n’en doutons pas, dans l’appartement du connétable. C'est la seule chambre, avec celle du roi, dont le "challict" soit "verny de blanc". Voici, d'ailleurs, son mobilier complet : "Ung challict verny de blanc, une petite table qui se ploye, une cherre (grand fauteuil de bois), deux scabelles (chaises de bois), deux escrains (petites armoires) ; ung buffect ayant ung pied tourné, ou il y a armoire ; deux lendiers (chenets) de fer, ung lict de camp verny de blanc" 14 Un châlit, une cherre et un buffet "à trois fonds" garnissent la "garde-robe" voisine (14) 15 On donne un coup d'oeil, en montant un petit escalier intérieur (15) 16 à une autre "chambre estant sur ladite garde-robe (16) 17 et l'on passe à la chapelle (17). Un "coffre de boys, garny de ferrure, fermant à clef" contient tous les accessoires qui servent au culte. Voici notamment, "ung calix d'argent, ung crucifix, une Nostre Dame et ung sainct Jehan, le tout estant d’argent doré, au reste du dict calix non doré". Voici encore "deux parements d’hostel (sic) en drap d'or velouté, à l’ung desquels est un crucifix, Nostre Dame et sainct Jehan et, à l'autre, un Dieu portant sa croix ; une chasuble de damas noir, les offroys de toille d’or noire, garnye d'estolle et de fanon de mesme" et "ung corporallier faict de veloux noir". Il y a là des chandeliers, des "aubenoystiers" (sceaux à eau bénite), un antiphonier, des nappes d'autel, et pas mal d'autres objets. 18 La chapelle n’est séparée de la chambre du roi que par l’oratoire où celui-ci entend l’office derrière une clôture (18), qu’une cheminée réchauffe, et dont la voûte en arc de cloître ainsi que les murs sont lambrissés. 19 Dans la pièce réservée au souverain (19), l’ameublement est, à peu de chose près, le même que chez le connétable : "ung challict verny de blanc, ung buffect à trois fonds, une table garnye de deux tréteaulx tournez, une cherre, deux scabelles, deux escrains, deux landiers de fer, un bachet (cuvette) de cuivre". 20 La "garde-robe de la chambre du roi" (20) est dans la tour voisine. 21 Dans la même tour, on nous conduit, en reprenant le grand escalier, à la "chambre estant au dessus de la dite garde- robe" (21) 22 par un escalier intérieur (22) 23 "gallectas estant au dessus de la chambre susdicte" (23). 24 Nous en redescendons pour nous arrêter dans la "grande salle haute" (c'est-à-dire d’en haut) (24), qui s’ouvre sur le grand escalier. La pièce est spacieuse ; elle fait pendant sur le même palier, à la chambre du roi. C’est là que la cour se réunit et devise, gaiement installée autour de "deux grandes tables" et "d’une moyenne garnye de quatre tréteaux tournés". 25 au deuxième étage et nous introduire tour à tour, dans la "deuxième chambre estant au-dessus la porte (25)" 26 dans la "garde-robe de ladicte chambre (26)" 27 dans la"troysiesme chambre estant auprès du premier escalier de la porte, estant au-dessus de la garde-robe de la dicte chambre" (27) 28 et dans sa "garde-robe" (28) 29 enfin, dans la "chambre au-dessus en la même visse (escalier tournant)" (29). 30 Nous traversons la tribune de la chapelle (30) 31 pour atteindre la "chambre estant au-dessus de la chambre du Roy" (31) 32 Nous négligeons un petit oratoire (32) attenant à cette chambre, qui a vue sur ta chapelle par une petite ouverture carrée, d'où, assis, on aperçoit l’autel. 33, 34 Puis, le palier du grand escalier (11) franchi, nous nous rendons aux deux chambres au-dessus de la grande salle (33 et 34) 35 et au "galectas estant au-dessus" (35). 36 la visite du côté gauche débute par la cuisine (36), qui se présente tout de suite, près de l’entrée, pourvue d’importantes cheminées (ccc) et contenant "quatre grosses tables de boys ainsi qu’une majestueuse batterie de cuisine : "deux grands battiers (broches), deux broches de fer, une grande marmite de cuivre , si grandes poelles ayans queue de fer, deux poelles de fer à queue, six pots de cuivre ferrez, deux grands grils de fer, deux grandes leschefrittes de fer, une cramillé (lisez crémaillère), deux vielz chaudrons". 37 Un "grand sallouer (saloir) estant au garde-manger près la cuisine" (37) 38 On nous fait grâce du "fournil" (38), où rien sans doute ne vaut d'être inventorié, 39 et on nous fait prendre l'escalier voisin (39), desservant tous les étages, pour aboutir, successivement, 40 à la "chambre au-dessus de la cuisine" (40), 41 à la "garde-robe de la dite chambre" (41), dans la garde-robe du premier étage (41), un équipement de soldat ou plutôt, j’imagine, de chasseur, composé de "trois espieulx", d’une "arbaleste", d’un "crorcoix" (lisez : carquois) dedans lequel se sont trouver troys mactras (fléchettes) et ung sizeau", enfin "une grande hacquebutte à rouet, façon d’Allemaigne, aiant le fuz de marquetage 42 puis, par un escalier intermédiaire (42) 43 à la "deuxiesme chambre de dessus la cuisine (43) (c’est-à-dire à celle qui se trouve au 2ème étage), 44 à "l'autre petite chambre estant près la chambre susdicte" (44), 45 enfin au "gallectas" (45), qui termine la tour 46 la tour près la vice (escalier tournant) de la cuisine, qui contient quatre chambres pareilles, dont l’une, au rez-de- chaussée (46) 47 avec une garde-robe (47) 48, 49, 50 une autre à chacun des deux étages intermédiaires (48 et 49), et une dernière dans les combles (50). 51 La "tour de l’aureloge" répète exactement la précédente, avec une chambre (51) 52 et sa garde-robe (52) au rez-de- chaussée 53, 54, 55 et trois autres chambres superposées (53, 54, 55). 56 Même disposition, une troisième fois, dans la "tour du bout des salles", ainsi nommée parce que c’est l’aboutissement des salles spacieuses greffées sur l’incommode logis féodal , restreint aux tours et à leurs courtines. Toutefois, dans cette dernière tour, la chambre du rez-de-chaussée (56) n'est point accompagnée, comme ses pareilles, d’une garde-robe empruntée au couloir de dégagement. 57, 58, 59 Cette observation faite et les quatre étages passés en revue (56, 57, 58, 59), nous n’avons plus que les galetas à voir. 60 Le premier par lequel nous commençons se trouve "dessus la sallecte et chappelle" (60), c'est-à-dire qu’il couvre la partie antérieure de cette dernière, correspondant à l’étendue de la "sallette". C’est là qu’en l’absence du maître et de sa "compagnie", on a rangé, sur quatre tables garnies de six tréteaux, les garnitures de lits, les tapisseries et les tapis destinés à ragaillardir ces intérieurs maussades et à y introduire, avec ce que l’époque comportait de confort, le sourire accueillant des tentures. On compte ici vingt-deux grandes tapisseries. Une première série de huit, mesurant chacune "troys aulnes et demye de hault", soit 4m10 environ, représente "L'histoire de. Bancquest". Le sujet est sans doute emprunté à une moralité due au médecin de Louis XII, qui a pour titre "La Condamnation de Banquet" et dont le sujet allégorique cache une leçon de tempérance. Une autre suite retrace "L'histoire de Thobie"; elle comprend quatorze pièces: douze de "troys aulnes et demye" de haut (4m10) et deux de "deux aulnes et demye"(2m95). Ces tapisseries, utilisées pour réjouir et réchauffer les murs nus des salles et des chambres, en accompagnant les panneaux de menuiserie qui font le tour des pièces et les plafonds à poutres et à caissons, ainsi que les corniches ornées qui les couronnent, proviennent des Flandres . Le connétable est un des meilleurs clients des hautelissiers de cette contrée, et il s'est servi des agents de la diplomatie française, tels que Gilles de la Pommeraye, son pourvoyeur spécialement commissionné par lui sur ce fait, dont la correspondance contient des détails piquants, pour leur adresser ses commandes et s'assurer leurs produits de choix. Le reste des tentures emmagasinées provient, en majeure partie, des lits, dépouillés, en temps ordinaire, de leurs rideaux, de leurs "ciels", de leurs "pentes" et de leurs "courtepointes". Cet appareil de défense contre le froid comporte de nombreuses sortes d'étoffes et des variétés de couleurs multiples. L'on passe en revue des garnitures complètes de "satin cramoisy rouge", de "damas bleu et blanc" de "damas tanné" (autrement dit brun), de damas viollet", de "damas bleu", de "damas vert et gris", de "satin de Burge bleu" de "demye ostade verte", de "demye ostade bleue", de "serge de roulleaux rouge et bleu" (c’est-à-dire à raies rouges et bleues), de "serge de roulleaux rouge et vert". Quatre "ciels" sont" de tapisserye, garnis de rideaux de demye ostade jaulne, noir et viollet". Des sièges garnis de tapisserie se mêlent, en petit nombre, à ces garnitures de lit, auprès desquelles sont gardés aussi une quinzaine de "tapis velus" et dix "tapis de drap vert", L’un des "tapis velus" n'a pas moins de "quatre aulnes deux tiers de long et deux aulnes de large", soit environ 5m60 sur 2m40. Un de ceux "de drap vert" mesure " cinq aulnes", soit 6 mètres. 61 Le "gallectas sur la chambre du roy et de la reyne" (61) ne contient guère que des articles de literie , tels que "troys matelatz de fustenne", cinq matelatz dont le dessus est de fustenne et le dessoubz de toille", "huit lictz de plumes et huit traversins". 62 J'en dirai autant du "gallectas de la tour des chambres garde-robes de dessus la porte"(62). Il y a dans celui-ci "trente- ung grands matellatz de toille, dix autres petits matellatz de taille, trente-huit traversins de lict garnis de plumes, tant grans que petitz, quarante trois couvertures d'Orléans, tant grandes que petites, cinq lictz de plume garnis de traversins et six paillaces de toille". Dans ces deux galetas sont reléguées des "cherres percées": trois dans l’un , deux dans l'autre. Notons, à ce propos, que nous n’avons pas su retrouver l’emplacement des latrines, dont ces commodités exceptionnelles ne pouvaient cependant pas tenir lieu d'une façon générale dans des agglomérations humaines telles qu’il s’en produisait en cet endroit au moment d’un déplacement de la cour. 63 Deux coffres "de boys de chesne garnys de serrures, fermés à clef et scellez", qui se trouvent dans le "galetas de dessus la chapelle" (63), échappent encore à l’inspection. Ils contiennent "le linge de table du mondict seigneur", et les clefs de ces coffres sont, elles aussi, à Chantilly. Un tel inventaire ne donne pas l’idée d'une maison souvent habitée. Le mobilier ne contient aucune des superfluités dont s’entoure d’habitude, à cette époque déjà, la vie des gens qu’a favorisés la fortune. De plus, il faut que les habitants n'aient pas de trop grandes exigences sur le chapitre des ablutions. L'appareil de toilette est limité à "quatre bachets de cuivre", dont l’un réservé au roi. Un tel intérieur ressemble à un rendez-vous de chasse où les séjours ne sont pas de longue durée. On y couche cinquante ou soixante personnes à la fois; mais, une vingtaine à peine ont un lit à ciel et à rideaux, avec un douillet matelas de futaine. La plupart se contentent d’une médiocre couchette garnie d'un matelas de toile, voire d’un lit de camp, dans une chambre nue comme la cellule d’un prisonnier.
Détail des pièces et de leur ameublement, d'après un inventaire de 1552, retranscrit par Moreau-Nélaton (les numéros des pièces sont ceux des plans de Moreau-Nélaton):